Une barre d’immeuble très connue de la capitale du Cambodge est promise à la démolition en 2017 pour une opération de promotion immobilière japonaise . Mais comment reloger les 2500 habitants qui y ont élu domicile depuis la chute du régime Khmer Rouge ?
Kavich NEANG, né en 1987 à Phnom- Penh , réalise là son premier long- métrage où il met en scène la communauté très attachante de cet immeuble où il a grandi mais s’adresse également à la jeunesse cambodgienne qui représente 5 millions de personnes de ce petit pays qui compte 15 millions d’habitants .
1 400 dollars le mètre carré
Dans un contexte où les expulsions d’habitations sont malheureusement trop fréquentes et sans aucune contrepartie, le montant proposé par cette société japonaise est très attirant . Toutefois, les prix de l’immobilier sont très élevés à Phnom- Penh et beaucoup pensent à juste titre ne pas pouvoir se reloger au sein de la capitale et devoir de fait abandonner leur travail .
Hip- hop
La jeunesse , elle rêve de compétitions de hip-hop , de jeunes filles à peine entrevues ….
Equipées à moto
Il fait nuit très tôt au Cambodge : comme un signal attendu, petites gargotes en bordure de trottoir, motos, voitures se déploient à flots continus . Nos 3 héros à moto tentent d’attirer l’attention de 3 jeunes filles également à moto, prises dans un trafic automobile désordonné . Le sens de la répartie de l’équipage féminin clarifie tout de suite la nature de l’enjeu : » money, money …… »
Niveau de vie espéré
L’argent vient scander régulièrement les différentes péripéties du film , mais sans s’appesantir : la crevaison de la moto de nuit, le poisson que l’on fait sécher sur le toit de l’immeuble pour économiser, le prix des cachets de doliprane, le déménagement à l’étranger du meilleur ami de Samnang …
La vie « moderne » peut-elle impulser de nouvelles directions à de jeunes Phnom- Penhois pour qui la destruction des 468 logements constitue la 1° étape irréversible ? Les structures traditionnelles de la famille peuvent -elles résister au modernisme ? Et si oui, jusqu’où ?
Un pari jusque dans la chair
Je me souviens en 1970, avoir eu une amie métisse qui avait contracté la polio . Un conseil de famille s’était réuni pour décider ou non d’une hospitalisation en France afin d’éviter autant que faire se peut les complications . Le choix avait été fait de rester au Cambodge et mon amie est restée avec une boîterie résiduelle importante . Impossible bien sûr de connaître les tenants et les aboutissants de cette histoire très personnelle mais elle n’a jamais quitté ma mémoire .
Le très célèbre metteur en scène Cambodgien Rithy PANH, met en scène , dans » Les gens de la rizière » une famille de paysans qui travaille dur chaque année pour la récolte de riz . Suite à une mauvaise plaie du pied , le père développe une septicémie dont il décède . La scène où il envisage de se couper la jambe avec sa serpe , tant la douleur pulsatile de l’infection, est lancinante , est tellement réaliste que je n’ai pu visionner le reste du film .
Ici, le père de Samnang , diabétique , soigne l’infection de son gros orteil avec du miel et du tamarin …….
Le réalisateur se fait se chevaucher 2 générations
Celle de ses propres parents, perdus, crispés sur un passé extrêmement traumatisant, attachés à un immeuble qui repousse toute possibilité de remise en question et sa propre génération, bloquée dans ses ambitions comme dans ses moyens d’expression , y compris au sein de sa propre famille.
Après les images incroyablement puissantes de la démolition du » White Building » en plein jour – dont ce plan sur une mère et sa fille qui regardent , dans un salon éventré , une télévision qui montre les grues à l’oeuvre – des images très douces, absolument superbes , tant par leurs couleurs que par leurs cadrages . Avec une tonalité originale et leur rythme à l’écran , elles encouragent une grande élégance et beaucoup de poésie .
Enfin, Piseth CHHUN qui interprète Samnang a reçu le prix du meilleur acteur dans la section Horizons ( Orizzonti ) 2021 .
Aucun commentaire ne m'aurait fait plus plaisir, connaissant un petit peu ton parcours de danseuse et de tant d'autres vies…
Je suis bien d'accord... nous avons plusieurs vies et ce film est d'une telle intelligence !
Super résumé qui donne envie de lire … Le temps si important me manque pour assouvir ma faim de lecture…