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Primo Levi

Précisément la lecture serait un art de vivre par temps de catastrophe . Déporté dans les camps nazis, Primo Levi récitait Dante à son ami Pikolo ; Robert Antelme – le mari de Marguerite Duras – ainsi que ses compagnons se nourrissaient de poésies griffonnées sur des bouts de carton . Et Charlotte Delbo , résistante politique déportée à Ravensbrück écrira ensuite 3 tomes  » Auschwitz et après  » parmi les plus forts sur ce sujet .

Pour Varlam Chalamov, qui vécut 22 ans au goulag , il témoigne qu’à sa libération,  » la bibliothèque (de Karaïev ) ( l’a ) ressuscité, ( l’a ) ré-armé pour la vie autant que c’était possible  » . Récits de la Kolyma . Verdier 2003 .

Régine DETAMBEL, masseur- kinésithérapeute, écrivaine nous emmène dans un opuscule essentiel sur les  » principes actifs  » d’une bibliothérapie bien comprise : ni ordonnance pré- formatée en fonction d’une pathologie, ni manuel de développement personnel mais accès à soi-même .  » ….La lecture des grands textes est hautement réparatrice . Quand la bio-médecine a fait de vous un corps – machine qui ne répond plus et vous plonge dans le noir, quand vous êtes réduit à un organisme suspect et brutalement exclu du monde par ces expériences intimes que sont le vieillissement ou la solitude , qui vous isolent et vous terrifient, la lecture est là pour vous réinsuffler du souffle, du désir et du sens . »

Les livres prennent soin de nous . Actes Sud 2015

Une vie nouvelle : le génie de Colette

Colette à son bureau

En 1928, Colette âgée de 55 ans, écrit pour aborder une nouvelle phase de sa vie «  La naissance du jour  » . L’ouvrage débute par une lettre de sa mère, Sido, qui décline une invitation de son gendre car elle est retenue par l’éclosion imminente et exceptionnelle d’un cactus rose . Colette, s’appuiera ensuite sur cette lettre  » Puissé-je n’oublier jamais que je suis la fille d’une telle femme qui penchait, tremblante, toutes ses rides éblouies entre les sabres d’un cactus sur une promesse de fleurs, une telle femme qui ne cessa d’éclore, infatigablement, pendant trois quarts de siècle « .P 30

Les propres archives de l’écrivaine , 25 ans plus tard, permirent de réaliser que Colette avait inventé cette lettre et qu’elle en avait tiré une force et une protection imaginaire exceptionnelle :  » Au cours des heures où je me sens inférieure à tout ce qui m’entoure, menacée par ma propre médiocrité, effrayée de découvrir qu’un muscle perd de sa vigueur, un désir sa force, ….je puis pourtant me redresser et dire  » Je suis la fille de celle qui écrivit cette lettre « . Colette . Garnier- Flammarion . 1993 .

La poésie est une  » ambulance qui fonce dans la nuit pour sauver quelqu’un  » :

Evgueni EVTOUCHENKO

Cette affirmation d’Evgueni EVTOUCHENKO viendrait confirmer le rythme poétique comme «  l’accord parfait de tous les rythmes humains  » : à la fois pulsation absolue, énergie motrice et bouleversement profond de l’être . P 44

 » Lire : une sculpture de soi « 

La lecture  » répare, ..qualifie, …affirme,… confirme,…projette dans le futur ou dans le passé, elle sublime, elle explore, elle identifie, elle éduque, elle crée « .P 57

Le texte littéraire travaille à la restauration du lien avec autrui .P 57

Lire c’est mon pays . Rien ne manque quand je lis , le temps disparaît et je ne dépends de personne pour cela . …. Dans un livre, on est toujours chez soi . P 85 .

Jim Harrison

Je me souviens avoir lu d’une traite  » Dalva  » de Jim HARRISON , dans une chambre d’étudiante à Perugia en Italie ; seul le parfum du pain qui cuisait dans la boulangerie en dessous m’a ramené pêle-mêle au jour qui se levait , à la littérature ( ! ) et à la Toscane toute proche .

 » Quand la vie emmure, l’intelligence perce une issue …. »

Si l’écrivain publie, c’est d’abord parce que la littérature a commencé par modifier sa propre vie . Il est un lecteur averti, qui sait qu’un livre, un seul, peut parfois changer la donne, transformer le regard, ouvrir des horizons, mobiliser des énergies inconnues, infléchir la direction d’une existence .P 91

Nous avons besoin de récit , tout le temps , depuis la nuit des temps : le Mahabharata, parmi les plus anciens récits de l’humanité occupe un volume équivalent à 15 fois la Bible : https://www.babelio.com/livres/Carriere-Le-Mahabharata/61969 .

Besoin de personnages donc . Sans les personnages , la vie serait sèche comme un os , disait Virginia Woolf . P 92 .

Virginia Woolf

 » Qu’advient-il quand un livre a rendez-vous avec son lecteur ?

Je vous laisse découvrir comment Goethe ressuscita grâce à la lecture, en boucle , de ses propres écrits par son meilleur ami .

Goethe

Ou plus modestement , comment le  » prendre soin de soi  » de Michel Foucault passe aussi par des lectures quotidiennes choisies .

Michel Foucault