Fanny ARDANT réalise ce film en 2016 , à partir du roman éponyme de J-D BALTASSAT . Gérard DEPARDIEU incarne à la perfection un Staline vieillissant tandis qu’Emmanuelle SEIGNER interprète une de ses maîtresses de longue date .
J’avais emprunté ce film à la médiathèque avant le début de l’invasion de l’Ukraine et certaines scènes du film, malheureusement , donnent un éclairage particulier à l’actualité .
Nous sommes en 1950
Staline qui n’a plus que 3 ans à vivre, part se reposer quelques jours dans sa Géorgie natale, dans le palais Romanov, conçu pour le Grand Duc Mikhaïlovitch de Russie .
La nuit, il demande à Lidia , sa maîtresse de jouer au jeu de la psychanalyse et d’interpréter pour lui » Freud, ce grand Charlatan viennois » . Il espère ainsi venir à bout de ses cauchemars et de ses insomnies qui le narguent sans répit .
Le jour, il fait patienter un jeune peintre qui doit lui présenter » le monument d’éternité conçu à sa gloire » .
Aveux nocturnes…. autour de la piscine d’eau soufrée
Alors que Staline se fait projeter des films étrangers dans un petit salon de la villa, Lidia confie au jeune peintre Danylov , son accablement et son épuisement à mentir
» Je suis fatiguée de mentir, même sur la mort de sa femme « .
» Elle était malade, c’est ça ? «
» Non , elle s’est suicidée . » ( Le peuple russe attendra cette information pendant 60 ans )
Reflets
Assis à une extrémité du bassin , dans une lumière ouatée , Lidia et Danylov s’épanchent sur leurs vies antérieures et leurs valeurs .
» Tatiana – l’ex- amoureuse de Danylov – rêvait de construire un grand miroir sur une place, dans un parc, où les gens pourraient se refléter en passant pour qu’ils voient ce que sont devenus:
- leurs rêves
- leurs échecs
- leurs trahisons
» Elle parlait sans arrêt de son projet et je lui ai volé «
» Tatiana était une vraie artiste …..Elle a refusé la proposition du ministère, tu as accepté . Mais tu as perdu le vrai sens de l’oeuvre « .
Anéantissement des émotions
Que ce soit les relations amoureuses , où tout simplement l’estime de soi , les émotions deviennent impraticables dans un environnement politique totalitaire .
Dénoncer avant d’être dénoncé
Le quotidien se transforme en un jeu de chaises musicales mortel, où le moindre faux-pas peut être fatal . Chacun se sait condamné à plus ou moins brève échéance : il s’agit donc de trahir avant d’être trahi .
Aucune vérité entre les êtres, aucune intimité n’est possible . Même le généralissime n’est à l’abri de cet absolu de fausse transparence : » Même Staline ment à Staline « .
Intensité tragique
Lidia se meut sans cesse entre demi-vérités, demi-mensonges au prix de sa vie , dont elle redécouvre la valeur au fur et à mesure du séjour.
Staline, à l’apogée de sa solitude , s’entrevoit ogre incapable de s’arrêter .
Engrenage paranoïaque presque vécu de l’intérieur
Bien qu’il s’agisse d’une fiction , la réalisatrice a parfaitement réussi, en choisissant Gérard DEPARDIEU dans le rôle titre, à dépeindre l’escalade suffocante qui ronge tous les régimes totalitaires, dirigeant compris .
L’accent donné à des petits rôles enlève à mon sens beaucoup de la cruauté et de la férocité dont l’Histoire nous a présenté de trop nombreux exemples .
Aucun commentaire ne m'aurait fait plus plaisir, connaissant un petit peu ton parcours de danseuse et de tant d'autres vies…
Je suis bien d'accord... nous avons plusieurs vies et ce film est d'une telle intelligence !
Super résumé qui donne envie de lire … Le temps si important me manque pour assouvir ma faim de lecture…