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J’ai dévoré son auto-biographie  » Mémoires de vie, mémoires d’éternité « , comme j’aurais lu le récit de vie d’une grand reporter, qui traverse les frontières , au propre comme au figuré, quelque soit les circonstances et qui semble ne devoir jamais s’arrêter. Ses mémoires débutent lors de l’entre-deux guerres et s’achèvent avec l’irruption du SIDA .

Le livre qui la fait connaître du grand public  » Les derniers instants de vie  » traduits en français en 1975 connaît un retentissement exceptionnel : il s’agit du compte-rendu d’une recherche active, commencée en 1966 , dans un hôpital universitaire de Chicago, consacrée aux représentations des mourants à l’égard de leur propre fin.

Les mourants étaient la plupart du temps aussi malmenés que mes patients de l’hôpital psychiatrique ( Manhattan State Hospital 1959 ) . Ils étaient mis à l’écart et traités sans ménagement  » .

E. Kübler-Ross . Mémoires de vie, mémoires d’éternité . Le grand livre du mois . Ed J-C Lattès . 1998 .

Durant les seuls 5 ans qui suivent, elle participe ou anime 700 séminaires, groupes de travail, colloques et formations tant le besoin de savoir  » interpeller la mort  » se révèle pressant .

Naissance à Zurich, en 1926

Née triplée , avec un très très petit poids de naissance, elle fait connaissance très tôt avec l’hôpital :

  • à travers une gravissime pneumopathie contractée enfant
  • mais aussi à travers la polio et une ostéonécrose de hanche de sa soeur .

Dans les 2 cas, elle est frappée par le manque de chaleur humaine des médecins, qui selon elle aggravent le pronostic ;

Lentement mais sûrement, j’ai retrouvé mon état normal et ainsi que je l’ai réalisé bien plus tard dans ma vie – alors que je faisais partie depuis longtemps déjà de ces médecins hospitaliers en blouse blanche – cette guérison était due en grande partie à la meilleure médecine au monde : les soins, le réconfort et l’amour que l’on m’avait donnés à la maison… sans oublier quelques chocolats .

Id P 33

Sa vocation pour la médecine est franche …. au point de s’opposer frontalement à son père qui aimerait la voir comptable au sein de l’entreprise familiale . Elle travaillera successivement comme domestique – terriblement déconsidérée – technicienne dans un laboratoire de cosmétologie puis dans le service de dermatologie de l’hôpital cantonal de Zurich . Ce département lui sert d’avant-poste pour faire  » humainement  » connaissance avec des prostituées , porteuses de maladies vénériennes et  » à ce titre  » exclues de la société , ainsi qu’aux réfugiés traumatisés par la guerre .

Sa rencontre avec des membres du Mouvement International des Volontaires pour la Paix vient ajouter une dimension humanitaire à sa vocation de médecin .

La Pologne et ses enseignements

2 ans après la fin de la guerre, la Pologne reste un champ de ruines . Arrivée à Lucima :

J’ai pris conscience du privilège qu’il y avait à faire partie de ceux qui étaient assez courageux pour soigner les nombreux villageois en détresse ….. ( Pour. lesquels ) il n’y avait pas d’hôpital ni de structures médicales à proximité . En outre, on se trouvait parmi des gens qui étaient affectés, à différents stades, par la typhoïde et la tuberculose .

P 81

En posant un garrot sur une mauvaise blessure qui saigne d’un charpentier, elle se fait repérer comme médecin – elle n’a pas encore commencé ses études – et les 2 soignantes du village lui installent dans un cabanon de rondins, un dispensaire : un fourneau à bois + des étagères réparties proprement sur 2 pièces .

Chaque matin, 25 ou 30 personnes attendaient à l’extérieur .du dispensaire. Certaines avaient marché des jours durant .

P 83

Une nuit, une paysanne la réveille avec un petit garçon , brûlant et suffocant d’une fièvre typhoïde. L’hôpital le plus proche se trouve à 30 km . Lorsque son fils suffoqua de plus belle,

elle me regarda comme seule une mère peut le faire . Silencieusement . Tristement .Une supplique venue du fond de ses yeux noirs qui trahissaient les abysses insondables de son chagrin .  » Vous devez le sauver » dit-elle tout simplement . J’ai hoché la tête en signe d’impuissance .  » Non, vous devez sauver le dernier enfant  » continua-t-elle . Puis, sans la moindre émotion apparente, elle me raconta son calvaire :  » C’est mon petit dernier . Mes douze autres enfants sont morts sont morts au camp de concentration de Maidanek . Mais celui-là est né là-bas . Je ne veux pas qu’il meure , maintenant que nous avons réussi à nous en sortir vivants « .

P 85-86

A noter que le procès des crimes de guerre nazis du camp de Maidanek est le plus long de l’histoire : 30 ans .

https://fr.wikipedia.org/wiki/Proc%C3%A8s_de_Majdanek

Avant de quitter la Pologne, E. Kübler-Ross tient à visiter ce camp de concentration  » pour pouvoir peut-être comprendre cet univers concentrationnaire  » . La visite des baraquements , malgré la puanteur des chambres à gaz , la confronte à une énigme : sur les lits superposés en bois, sur les murs , elle remarque qu’un dessin est reproduit à plusieurs reprises, sans cesse , sous des formes plus ou moins achevées :

Des papillons .Il y en avait partout où se portait mon regard ….Dans chaque baraque où je suis entrée, il y avait des papillons .  » Pourquoi ? me suis demandée . Pourquoi des papillons ?  » …. Au cours des 25 années qui suivirent , je me suis posée cette question . Je m’en voulais énormément d’être incapable de trouver la réponse .

P 90

De l’examen d’entrée à la faculté de médecine de Zurich à ….l’arrivée à New York

E. Kübler-Ross se marie en Suisse avec un étudiant en médecine , comme elle, d’origine américaine . Ses débuts à l’hôpital psychiatrique du Manhattan State Hospital sont difficiles . Elle trouve ensuite un poste de consultante neurologue, à l’hôpital Montefiore . Après quelques mois de présence :

j’ai remarqué que bon nombre de médecins évitaient systématiquement d’évoquer quoi que ce soit qui ait un rapport avec la mort …. On ne disait jamais la vérité aux patients .Si un cancéreux posait cette question  » Vais-je mourir ?  » le docteur répondait généralement  » Oh, ne faites pas l’imbécile  » . ….

Au cours de mes consultations, je restais au chevet des malades, je leur tenais la main et conversais avec eux des heures durant . Je me suis rendue compte que tous les mourants désiraient ardemment qu’on leur manifeste de l’affection, qu’on les touche ou que l’on communique avec eux . Les mourants ne voulaient pas que les médecins gardent leurs distances avec eux Ils réclamaient avec force la franchise .

P 146

En écoutant les mourants , l’auteure se rend compte :

Que tous les mourants savent qu’ils vont mourir . Le problème ne se pose pas à travers ces questions  » Faut-il le lui dire ?  » ou bien  » A-t-il compris ?  » . La seule question qu’il faille se poser est la suivante :  » Suis-je capable de l’écouter ?  »

P 147

Linda

E Kübler- Ross déménage , avec toute sa petite famille dans l’Ouest américain . Dans le nouveau centre hospitalo-universitaire où elle travaille , elle remplace au pied levé un professeur pour ses conférences peu orthodoxes mais très suivies . Quel sujet choisir ?

Et puis, un jour, le bon sujet me vint subitement à l’esprit : la mort . Elle obsédait chaque patient, chaque médecin . La plupart la redoutait . Tôt ou tard, chacun d’entre nous doit y faire face . Voilà quelque chose que les médecins et les patients avaient en commun , et c’était probablement le plus grand mystère d’un point de vue médicale. Le plus grand tabou, aussi .

P 158

Je vous laisse découvrir comment nous pouvons réfléchir à toutes les leçons que Linda et tant de mourants , à sa suite ont permis . Réaliser que les enfants sont mieux outillés que nous pour affronter leur propre disparition . Et qu’au-delà des 5 fameuses étapes du  » bien mourir  » qu’elle a individualisées , E. Kübler Ross sait nous apaiser .