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Ce petit livre très puissant nous vient du Québec. Pour notre plus grand plaisir, c’est une littérature qui nous fait découvrir de jolis mots et qui est souvent plus crue que la nôtre.

Comme avec Jean-François BEAUCHEMIN chroniqué ici avec  » Le Roitelet « , la maladie est abordée sous l’angle d’un proche.

Pour tous les deux, nous avons l’impression que l’auteur parle de lui-même, tant la narration est sensible … mais non.

Histoire d’amour immense

Une histoire où l’on teste jusqu’où les gens sont prêts à aller par amour et ce qu’ils sont prêts à endurer par abnégation et passion.

 » Il eut mieux valu que je ne te rencontre jamais. Mais voilà, c’est arrivé. Je me dis parfois que je suis injuste, qu’un tour de montagnes russes avec toi vaudra toujours mieux qu’une vie entière dans la grande roue avec qui que ce soit d’autre……

Tu ne m’as pas renversée, mais c’est tout comme. Tu m’as frôlée à grande vitesse, comme les trains Azur du métro caressent souvent le visage des vingtenaires trop absorbés par leur cellulaire….J’ai sursauté violemment, et le latte à cinq dollars du café Larue s’est retrouvé sur mon chemisier blanc. Le fameux chemisier blanc, ample et androgyne de chez COS, qui m’avait coûté un bras et demi, et grâce auquel j’espérais donner un peu de crédibilité à ma jeune vingtaine dans mon premier vrai boulot d’adulte…..Je t’ai envoyé chier entre deux gémissements de fille ébouillantée et quelques sacres, te croyant déjà loin……..Mais tu étais là, un pied au sol, contrit, me tendant ta serviette à sueur.J’ai regardé tes yeux et voilà, c’en était fait de moi. La possibilité d’une vie sans toi n’existait plus.« 

Ouvrage dédié à Claude et Michèle

Si Geneviève JANNELLE a inversé le genre dans son récit – c’est Claude qui est l’accompagnant et Michelle, la personne touchée par l’ataxie de Friedreich – ce qui lui a donné envie d’écrire est inspiré de la maladie de Michèle.

Mais le roman n’est pas l’histoire de ce couple.

Michèle avait toute sa tête mais au fur et à mesure, elle devenait prisonnière de son corps qui ne lui permettait plus de se mouvoir comme elle le voulait, ni de communiquer comme elle le souhaitait.

L’autrice s’est demandée comment elle vivrait emmurée dans son propre corps.

Elle a eu envie de décrire ce mélange d’amour, d’abnégation et de culpabilité.

Ataxie de Friedreich et Maladie de Charcot

L’autrice décrit le point de vue d’Anaïs – l’amoureuse d’Eden – c’est à dire celui de la personne qui l’accompagne dans sa maladie.

Il s’agit donc du regard du proche aidant. Nous ne saurons pas comment Eden vit sa maladie.

Outre ses recherches sur ces deux pathologies qui sont assez proches dans les pertes que l’on subit, G JANNELLE a rencontré Karine qui a cette maladie.

Pour s’assurer qu’une personne qui souffre de ces atteintes neuro-dégénératives n’ait l’impression que le livre soit bâclé ou que le rendu diffère trop de la réalité, Karine et Claude l’ont lu régulièrement tout au long de l’élaboration de l’écriture.

Le déni

Est-ce que je pars ? Est-ce que je reste ?

 » Je vivais dans un déni spectaculaire. Je me vautrais dedans comme dans une couverture un soir d’hiver, le grand confort « .

Comment vit-on le quotidien, en connaissant la fin ? Tant qu’il n’y a pas de symptômes, la maladie reste très abstraite.

Anaïs continue de penser qu’Eden et elle sont des amoureux exceptionnels,vivant intensément et qu’ils vont continuer à voyage…..

Nous, les humains sommes très doués pour espérer : nous savons tous que nous allons mourir mais nous vivons comme si nous n’allions jamais mourir.

Le temps des promesses

Anaïs va tenir très longtemps.

Il y a tout ce temps de déni, où l’on se promet beaucoup de choses, pour survivre.

L’amour inconditionnel

Au tout début du roman, Anaïs veut être aimée. C’est son souhait le plus cher. Elle rencontre Eden, qui lui cache sa famille, pour une raison qu’elle ignore.

Au fur et à mesure de leur relation, elle devient aimante.

 » Le seul moyen de connaître l’amour inconditionnel sur cette Terre, ce n’est pas de l’attendre mais de le donner. « Adélaïde de Clermont Tonnerre.

La dépendance : au coeur du livre

 » Il fallait dire les choses. C’était inévitable d’être cru, pour traduire la réalité de vivre avec cette maladie. Je pense qu’il fallait y plonger à fond, sans adoucir les angles « ……

….Si on n’y va pas à fond, on essaie de faire du joli avec quelque chose qui assurément n’est pas joli  » G. Jannelle.

NB : Je complèterais cette première partie par une seconde, la semaine prochaine.